Où va le vent ?
Parachuté depuis quelque néant imaginaire dans ce monde mortel, j’assiste à la défaite d’on ne sait quoi. Comme quelque chose dans l’air qui nous dit : ça s’écrase, nous sommes en train de nous écraser. D’autres continuent d’exercer leurs rapines avec nonchalance et d’afficher leur sourire victorieux.
Nous qui ? Naître, s’éveiller au monde, et par delà sa propre mort promise, spéculer sur la faillite d'une civilisation. Double jeu, double pince, double catastrophe? Qu'est-ce donc?
Parachuté depuis un néant imaginaire, la seule substance que je puisse toucher est celle de ma vie singulière. Dans ces conditions, comment formater le principe de réalité ? Quelle empathie pour quelle réalité ?
Mon osmose avec l’environnement est un premier témoignage de ce que cela ne se passe, apparemment, pas si bien. La valeur de l’air pur sort de la latence, insoupçonnée encore au 19e siècle, par les gaz du 20e elle s’est révélée à elle-même° (cf. P.Sloterdijk, écumes).
La transparence ou notre degré 0 paraît lui-même conditionné, la finitude l’habite, nous qui pensions la continuité du ciel avec l’infinité de notre esprit, ou encore l’absoluité de nos prémisses…
L’air, l’espace et la liberté, ne faisaient qu’un dans notre imaginaire. Aujourd’hui, la pollution de l’air via la précarité du corps, souligne les pulsations du cœur dans le moindre atome de visibilité. La boucle se resserre, et c’est donc tout autant une espèce d’éveil qui se produit. L’anthropomorphisme teinte l’univers entier, mais l’univers entier, aussi, tient l’humanoïde sous ses crocs.
Ces révélations inquiétantes de nos multiples conditions de vie apparaissent d’autant mieux que ces conditions sont ébranlées. Au fur et à mesure de cet ébranlement du donné, ce sont de nouvelles valeurs qui se créent, de nouveaux objets de spéculation, de nouvelles perspectives de profit qui s’offrent à ceux qui se tiennent au faîte du système d’asservissement réciproque et plus ou moins généralisé.
Demain, l’eau pure qui coulait à grands flots est promise à manquer ? Qu’à cela ne tienne, cela crée de la « valeur », c’est-à-dire accroît le potentiel d’exploitation humaine, renforce les leviers de l’économie ! Voilà comment pensent certains qui, de toute évidence, se félicitent et tirent d’autant plus profit des déboires du système actuel.
Pour notre part, nous pouvons également nous demander si, nous, occidentaux moyens, la finesse de nos conditions de vie ne serait pas, tout au plus, un mythe rabâché par les images publicitaires au sein d’un environnement de plus en plus bétonné ? ! Et si, en termes de progrès, nous ne serions pas limités dans notre imaginaire par un ethno ou socio-centrisme, peu importe, soit un contentement imbécile qui ferait qu’on se félicite de notre propre asservissement. Une servitude toute relative, tant il est vrais qu’elle peut nous être douce, mais encore dont la tiédeur, l’édulcoré nous est fourni au prix de la souffrance d’une large part de l’humanité restante, quelque part, ailleurs.
Aussi nous y revenons : quelle empathie pour quelle réalité ? Et quelle vision de l’humanité ? Va-t-on donner des leçons sur les droits de l’homme à ces pays qui ordonnent des armées de clones au service de l’industrie, de nos pc, mp3, écrans plasmas et autre objets débonnaires, attributs célestes des habitants du paradis sur terre, réalisé par la science ? En consommant Chinois, nous aidons la croissance de la Chine ! C’est ce qu’il faut ce dire, et de 23 cent de l’heure le salaire de certains va passer à 24, 26 ? Mais plus tant à cause de la récession annoncée, mondialement. La « confiance » ne se rétablit pas, tandis que certains, en //,augurent d’un tournant « néo-autoritaire »… ! Qu’entend-t-on là venir ? !
Heureux l’activisme des défenseurs des droits de l’homme, écologistes et autres progressistes, penseurs du décentrement etc. Ceci dit naïvement mais justement, les forces vives ont à combattre une formidable machine de mort. On a trop vite fait de se ranger du côté du progrès, de la destinée humaine, d’une certaine nécessité pour justifier l’état du monde et son avancée… Sitôt désabusé de certains dogmes, on réalise que rien ne garanti le bien fondé de la manière dont il avance ! ! ! Rien ne dit qu’il s’agit là d’un « ordre cosmique », pensée qui est le credo, en définitive, du « néolibéralisme » actuel : une sorte d’ordre naturel qui se déploie, tout comme l’histoire pour Hegel, sacralisée… Ainsi on a pu entendre un certain Louis Michel défendre les OGM parce qu’il s’agit d’avancées de la science, purement et simplement et qu’on aurait, à ce titre, pas à s’y opposer. Pour le citer approximativement : « moi je dis que, quand on va contre les avancées de la sciences, il y a un problème ». Voilà comment on abuse le peuple et qu’on spolie les intérêts réels de l’humanité.
La vérité pratique des produits de la science serait garante du bon ordre du monde, mais on élude la formidable sélection des savoirs et des productions qui s’opère par des éminences grises éprise d’avidité et de domination. Rien donc, ne garanti que l’ordre du monde soit le bon ordre, ni les téléologie divines surannées, entendu par ailleurs que notre civilisation brise la plupart des sceaux dits de « la loi ».
Le refuge dans la destinée est aisé. Et par le destin nous sommes fortement marqués. Déjà, la croyance en notre identité, en notre advenue, est pétrie de l’illusion d’un destin de soi qui, nécessairement, devait nous précéder. Sans quoi nous ne serions pas tant fondés. Il en suit que la marche du monde elle-même semble suivre un destin, son destin, un dessein divin, ou un pur destin agnostique, on ne sait. Cette pensée du destin marque profondément nos structures mentales, elle nous rassure, nous conforte. A nouveau, l’identité se forge par elle. Et dès lors elle nous plombe : à chaque instant, ce sont des hectares de forêts que l’on supprime, c’est une pollution innommable, ce sont les conditions vitales de l’ensemble de l’humanité que l’on grignote, mais l’on en fait rien, cela semble être la marche du destin… Inéluctable? Formidable désir de mort qui semble sous-tendre tout cela ! Irresponsabilité politique totale.
Où sont, encore, tous ces sages penseurs formés à l’ « Université ». Que dire encore de la prétention à l’universel de telles institutions ? Tous ces hommes formés à la pointe, comment se fait-il qu’ils ne réalisent pas les contradiction du système, mais l’alimentent de plus belle ? ! La pensée, la conscience, semblent être des facultés, des fonctions tout autres que telles qu’on se les imagines, naïvement, au fil des cours de catéchisme ! Bien moins claires, bien moins évidentes.
« Dieu est mort », en ce le garant du « bon » ordre du monde, que l’homme peut aujourd’hui ébranler. Qu’il soit « permis » à l’homme, de faire « sauter » le monde (ou si du moins non pas « permis », possible), c’est ce à quoi on ne peut, veut prêter foi. Aussi la population reste confiante alors que l’alarmisme résonne de toute part ! Imaginons un simple humain, de simples humains faisant sauter ou saccageant « l’œuvre divine ». Mais la « mort de Dieu » bel et bien consommée signifie ce possible, le champ est ouvert !
Il faut compter aussi, il est vrais, sur les apôtres des fois apocalyptiques, qui renchérissent sur la destruction sous couvert de protection divine. Les dieux ont beau dos pour couvrir les absurdités et faire diversion de la solitude humaine, qui rime avec la responsabilité.
Il est temps de radicalement changer de système car celui que nous suivons est un système de mort. Sus à la contamination psychique par la publicité, à l’abêtissement généralisé par les mass media, aux modèles de réussites basés sur la domination, le profit, l’exploitation nécessairement corrélatives. Sus à l’induction de ces croyances lamentables sur la nature humaine pour motiver l’économie. Freiner notre consommation est notre premier devoir. En second sélectionner les produits, relocaliser l’économie. Un mouvement qui part de la multitude et rééquilibre peu à peu. Utopie ? Délire-je ? Le principe de réalité serait tout autre ? Nous aurions contre nous un principe de raison qui mène une moitié, trois quart de l’humanité, voire plus prochainement à la misère.
A nouveau, quelle empathie pour quelle réalité, en quel lieu du monde sommes-nous, quelle est cette chaleur en laquelle passent les images, sinon ce fragile équilibre limbique, qui, parfois défectueux nous pousse dans la rue, indignés, et parfois nous laisse observer le monde dans le prisme médiatique avec la plus parfaite nonchalance. Nonchalance au besoin aidé par quelques narcotiques, anxiolytiques, neuroleptiques ou autres substances largement promues.
D’une autre manière, il suffit par exemple d’être amoureux pour que tous les malheurs du monde s’effacent et que la destinée reprenne ses droits. Bien fragiles nous sommes en notre âme et conscience, en notre responsabilité. Vacillant au moindre souffle de vent. Quelle empathie pour quelle réalité ?
Néanmoins heureux. Un devoir d'être heureux dans ce monde, un élement de lutte.